Demain.

Le feu crépitait dans l’âtre immense et diffusait sa chaude lumière dans la pièce, allongeant les ombres dansant jusqu’aux fenêtres. Dehors, la nuit venait de tomber et portait les bêlements des abex jusqu’à la citadelle.

Heiron était tranquille pour une fois.

Installé dans un fauteuil défraîchi pausé face à la cheminée, Palomides laissait voguer ses pensées au rythme des flammes. Il se remémora les conversations de la journée, et, soupira d’un air triste. Il regrettait de n’avoir pas pu retrouver la Marquise Eudoxie comme il avait proposé au départ pour lui rapporter son entretien avec Dame Yanaelle. Mais bien plus encore, il s’inquiétait de savoir ce qu’il était advenu de la Duchesse de Heiron.

Il avait tenté d’obtenir un entretien à plusieurs reprises mais ses démarches étaient toutes restées vaines. Les gens de maison de la Comtesse ne voulaient rien dire sur leur maîtresse ni quand elle serait de nouveau disponible. Palomides était resté dans l’expectative, sans autre recours que d’attendre… Jusqu’à la réunion de légion. Ensuite tout s’était un peu précipité. Il n’avait pas eu la possibilité de demander des comptes.

Le daeva grogna en se levant péniblement. Son corps ne lui répondait plus tout à fait, ce soir il payait cher ses allers-retours dans la journée. Il s’installa devant l’unique table, sortit sa plume, de l'encre et du papier tout en réfléchissant à l’a tournure qu’il allait donner à ses missives. Il s’appliqua ensuite à rédiger une lettre pour la Marquise Eudoxie, puis une pour Ise, en espérant qu’elle la lise.

La porte d’entrée s’ouvrit bruyamment sur un homme de grande taille, sec et noueux. Palomides cachetait ses enveloppes et sourit à la vue de son vieil ami.
- Salut mon commandant ! Je viens te donner des nouvelles, mais elles ne sont pas très bonnes pour sûr. Fit l’homme en entrant.
- Cesses donc de m’appeler ainsi Magnus, rétorqua le daeva en souriant. Entre et mets-toi à l’aise. Tu tombes bien, je n‘ai pas encore soupé ! Continua-t-il en lui désignant une chaise en face de lui.

Magnus s’installa sans manières et se laissa servir. Pendant que le commandant mettait la table et lui servait du vin, il lui fit son rapport. Cela sentait bon l’ancien temps, il s’en sentait tout rajeuni, même si le visage marqué de Palomides lui rappelait les années d’épreuves qu’ils avaient passés l’un et l’autre.
- Les choses ne tournent pas comme tu voudrais. Pour ton affaire rien n’est réglé, il faut t’attendre à ce qu’on vienne te chercher des noises.

Magnus se jeta sur le pain après voir vidé son verre d’une traite. Palomides s’assit en face de lui et se mit à manger à son tour, l’encourageant à continuer.
- Racontes un peu.
- Ils sont toujours aussi rapides pour décréter la trahison, surtout qu’on a perdu des sacrés batailles dernièrement, je te donnerai les noms des cas récents. Les abysses sont de plus en plus meurtriers. C’est pas le moment de venir réclamer justice et de jeter le trouble si tu veux mon avis. Pour ce qui est de la prison par contre on a peut être une piste, faudra que tu voies le type que j’ai vu, à moi il veut pas causer trop.
- D’accord, il faut que tu arranges une entrevue discrète. Pour le reste je sais bien que cela prendra du temps mais je saurai patienter, répondit Palomides d’un ton quelque peu amer. Ha, et puis autre chose qui n’a rien à voir, pourrais tu porter en main propre ces deux missives demain ? Continua-t-il. L’une ici au palais et l’autre à Terminon.
- Oui, pas de problème. Magnus regarda Palomides en souriant. Il avait été heureux de le revoir après sa sortie de l’hôpital. Depuis il n’avait plus envie de le quitter, se sentant un peu comme responsable de sa protection.

Palomides n’aimait pas tellement se rendre à Sanctum. En fait il n’aimait pas avoir à se déplacer du tout. Il disait que les téléportations le faisaient souffrir, mais Magnus savait bien que l’ex-officier craignait plutôt de croiser par hasard une vieille connaissance. Le Daeva ne se confiait pas, et il était souvent taciturne. Sa condition physique était pour lui comme une nouvelle prison de laquelle il ne parvenait pas à s’extraire. La douleur constante lui faisait perdre patience rapidement et l’empêchait de se mouvoir normalement.

Palomides lu dans le regard de son ami.
- Ne t’inquiètes pas pour moi, ça va aller.
Ces mots sonnaient faux, à l’évidence, les deux hommes le savaient. Magnus fit semblant d’y croire et Palomides changea de sujet de conversation.

Se sentait-il encore un Daeva ? Parfois il venait à en douter : sans l’Ether, sans force, sans ailles… Que lui restait-il au final ?

Magnus.
Une jeune femme en larme et une autre, disparue.

Et l’espoir.



.

La sorcière reprend peu à peu conscience, se relève avec peine, cherche à se rappeler. Que s’est-il passé ? Elle se redresse, regarde d’un ai hébété les passants qui la dévisagent. Que fait-elle ici, en pleine rue et à moitié nue ? Elle tient sa tête entre ses mains, cherche à échapper à la douleur. Oui... oui bien sur, elle se souvient maintenant...

>Le combat battait son plein quand un éclair de folie avait traversé son cerveau fatigué. La bête avait surgi, passé ses défenses, brisé le mince verni de civilisation qu’elle avait mis tant de temps à construire. Des pensées étrangères s’imposèrent, prirent possession de sa raison. Et son comportement fut inexcusable, indigne de son titre.

Honteuse, la Duchesse d’Heiron s’était alors rendue en terre étrangère pour faire amende honorable dans la tanière ennemie. Elle avait essuyé sans broncher le rejet des ses excuses, les crachats au visage, les promesses de vengeance. Ce n’est que bien plus tard, alors qu’elle errait sans but dans son Duché qu’un autre bête frappa, l’expulsa de son corps, la plongea dans l’éther, esprit sans espoir de retour.<

Alors que peu à peu son équilibre revient elle réalise l’étendue du désastre. On l’a déshabillée, on l’a laissée sans armure, vulnérable. On a sans doute volé ses flux aussi, et ses éthers ramassés à grand péril, et jusqu’à ses bijoux. Pourtant on lui a laissé son grimoire. Un oubli, un geste de clémence ? Sa faute est-elle si grande qu’on doivent l’humilier à ce point ?

Elle ère à moitié nue sous le regard dédaigneux des Daevas, atteint enfin ses appartements.

« On ne passe pas ! » grogne le garde à l’entrée.
« Je suis la Duchesse d’Heiron, même si je n’en ai pas l’air » réussit-elle à articuler malgré son désarroi.
Le garde lui lance un regard indifférent avant de lui répondre d’une voix sans expression.
« Sûrement pas. Heiron n’a plus de Duc ni de Duchesse. On ne passe pas ! »
Désorientée la sorcière s’éloigne.

Elle aperçoit enfin des têtes connues, les légionnaires, et même les nobles de la légion. Fatiguée, encore honteuse de ses excès, bouleversée par sa tenue perdue, désorientée elle les appelle, leur lance un regard interrogateur, suppliant. Mais effarée elle les voit se détourner, ignorer avec mépris son angoisse et ses regrets. Sans force, elle baisse lentement le bras qu’elle leur tendait.

Elle comprends. Son attitude, son comportement a été jugé inadmissible par ses pairs, une honte pour Heiron et pour la légion. Ils l’ont exclue du conseil, ils ont jugé ses actes impardonnables, sa présence indésirable, sans même daigner lui parler. Ou peut-être lui ont-ils dit pendant que la bête la possédait ?

Ils ne veulent plus de son soutien, elle ne peut plus compter sur le leur. Et rien, non rien n’effacera ce rejet, rien n’effacera cette sentence, comme rien n’effacera cette tache sur l’honneur de la légion. Toujours à moitié nue elle s’éloigne, espère encore au moins retrouver sa vielle armure, peut-être quelques kinnas dans sa bourse ?. Les pensées confuses elle revient vers Heiron, ce duché qu’elle voulait si fort défendre qu’elle en a perdu la raison, cette terre qui lui a coûté son honneur et surtout ses amis, cette terre ou la bête l’a terrassée. Un sourire amer déforme ses traits tirés. Ise, ex Duchesse d’Heiron est tombée.

*****


- Duchesse Ise ?

La sorcière se réveille et cligne des yeux, éblouie par le soleil de Sanctum. Elle quitte à regret une position fœtale qui seule peut lui apporter le sommeil, s’assoie et scrute celui qui l’a tirée de ses rêves. L’homme est de grande taille. Sec et noueux il porte avec fierté les cicatrices de nombreux combats. Un soldat ?

- Ise tout court, en supposant qu’il me reste au moins ce nom, répond-elle en essayant de projeter de coté son haleine douteuse.

L’homme baisse les yeux jusqu’à ses pieds nus puis remonte le regard. Ise sent le rouge de la honte chauffer ses joues, mais il ne fait aucune remarque sur les haillons qui la couvrent.

- J’ai un message du commandant pour vous, susurre-t-il d’un voix soudain plus douce.
- Le commandant ?

La magicienne se saisit du rouleau, examine le sceau. C’est une missive de Palomides, le chevalier Palomides oui, le commandant bien sur. Quelqu’un se souvient donc d’elle ?
Elle déroule le parchemin sans remarquer que le messager s’éloigne après un rapide salut. Le chevalier décrit comment elle a perdu son duché sans même qu’on écoute un défenseur, raconte l’indifférence, le désarroi de ses anciens capitaines, leur impuissance.

- Ainsi peut-être ai-je encore un ami? murmure-t-elle au messager avant de se rendre compte qu’elle est de nouveau seule.

Ise rassemble ses maigres biens et se force à marcher. Il faut qu’elle cherche. Quelque part son coffre contient peut-être encore son ancienne armure, mais où ? Pourra-t-elle retrouver au moins un peu de fierté ? Ou bien la bête aura-t-elle gagné en lui ôtant ses possessions et le peu de mémoire qui lui restait ? Et ses capitaines ? Et ses chevaliers ? L’ont-ils tous oubliée, rejetée ?

Elle avance sans savoir où aller, perdue, invisible aux regards des Daevas.



[HRP] Tout est dit sauf ceci : recevez mes excuses pour ce comportement exagéré envers ces asmos qui après tout ne sont que des joueurs comme nous. Pour le reste c’est du RP.

Dame Galina , devenue impératrice , s'inquiétait de la capacité d'Ise à se remettre du malheur qui l'avait touché . Et celà même si les insultes qu'elle proférait à l'encontre de nos ennemis lui semblaient déplacées et peu digne du rang de Dame Ise . Mais tout cela s'effaçait devant la joie de revoir Dame Ise reprendre des forces et se préparer à retourner au combat.

Je ne suis plus qu'un légionnaire errant, dont la langue m'a été tranchée par le sabre d'un assassin asmodien, hier dans Heiron.

Chose regrettable, je croyais pourtant que ma pensée dictait à mon cerveau les mouvements de ma langue et que des sons pouvaient sortir, mais comme personne ne répondait quand je parlais, j'ai compris que je ne pouvais plus me faire entendre et encore moins me faire comprendre.

Il ne me reste donc que deux doigts... pour vous faire part de mon désarroi, de ma déception.

Et Selene ne répondit pas... Elle ne blama pas... Elle savait où était son devoir, et où devait aller sa loyauté... Mais non... Son coeur lui, parlait un autre langage

Et Selene ne versa pas de larme, elle en avait déjà trop versé. Elle avait pris Ise dans ses bras tant de fois pour la protéger, et tant de fois cette existence ne leur avait montré que la face de l'injustice. Il en était donc ainsi encore une fois... Soit.

Et Selene sut... Il restait encore cette clé. Peut être que... Etaient-ils encore là ? La fouille du vieux coffre poussiéreux mit à jour quelques vieilles reliques. Selene les parcourut et une pointe de nostalgie se mêla à la douleur et à l'espoir. Un vieil ouvrage orné de trois lettres en couverture... Mais elle n'était plus vraiment considérée par ces gens... Et ce après tout ce qu'elle avait fait. Et au fond, une tenue blanche et usée, dont les motifs noirs en forme de cristaux de glace, contrastaient en un clair obscur. Elle plia la robe avec soin, la rangea avec d'autres affaires, et osa s'emparer du dernier objet. La chaleur et la vibration qu'elle ressentit se propagea dans son corps et son âme : C'était bien lui... Elle placa l'objet longiforme avec le reste et partit à la recherche d'Ise

Cette étoffe élimée et presque spectrale serait la plus belle des robes. et cette branche serait le baton qui appelerait la furie sur les ennemis... Etait-elle folle ? Sûrement... Son délire allait sans doute finir par la détruire... Mais la promesse était là dans son esprit, inébranlable, intacte comme au prmier jour... Et elle continua de se murmurer

"Ensemble... Au bout..."

Une petite luciole vient ce mettre au creux de ma paume. Cette luciole est verte, elle n'est pas joyeuse... Un drame, une erreur, un appel à l'aide...

Les lucioles ont la capacité de montrer des illusions qui cible bien une circonstance. Cette luciole crée l'illusion d'une femme à terre qui ne porte que des sous-vêtements, la jeune femme se trouve en Heiron, elle à des cheveux blond/blanc..

*Non.. Duchesse Ise...*

La luciole compris que j'avais reçu son message et me montre des vêtements, une robe chinoise de couleur violette.

*Prend une robe violette bien plier de son sac*- Cette robe ferra l'affaire, Montre moi ou elle est.

La luciole sautille et montre une petite maison dans le Sanctum prêt de la Taverne.

Je cours pour faire appel à la téléportation... Je suis à Sanctum, j'essaie de capter l'esprit d'Ise.. Rien ne se passe, un faible esprit..

- Ou es-tu Ise... Nous avons besoin de vous !

Il n’eut pas le loisir de connaitre la réponse à sa missive. Palomides fut prévenu que l’alchimiste avec qui il avait pris contact des mois auparavant acceptait enfin de le voir. Il se rendit immédiatement à Sanctum en la demeure du spécialiste, avec l’espoir de trouver un remède.

La curiosité de l’alchimiste fut piquée par l’histoire de l’ancien soldat. Très enthousiaste à l’idée de faire ces recherches, il lui demanda de rester son hôte pendant plusieurs semaines afin de pratiquer à des analyses et à des essais de contre poisons. Palomides fut gagné par l’optimisme du savant et lui fit transférer son dossier médical de l’hôpital de la garnison.

Hélas, les tentatives furent infructueuses et Palomides se retrouva plusieurs jours dans un état critique.
Quand il fut rétabli, le savant lui proposa de consommer des potions qu’il avait fabriquées pour lui en attendant de trouver une solution. Il le mit en garde toutefois contre l’usage intensif ou répété de ces substances. Palomides avait cru aux premières promesses de l’alchimiste, il se retrouva très abattu par leurs échecs. Il accepta les fioles, écouta les recommandations d’une oreille distraite et s’en retourna chez lui à Heiron où il s’enferma plusieurs jours sans mettre le nez dehors.

Magnus vint tirer son ami de sa léthargie, l’invectivant tant et plus que celui-ci n’eut d’autres recours que sortir, prendre l’air et manger, s’il voulait un peu de tranquillité.
Sans même y prendre garde, il agrafa son écusson de légion à son pourpoint comme Magnus le lui tendait. Le vieil homme eut un petit rire et se retira après s’être assuré que son Daeva allait bien vers l’auberge.

- Arieluma mère.

L'ex duchesse sent sa mâchoire tomber et reste béate. Qui est donc cette jeune Daeva?

- Arieluma qui? parvient-elle à articuler malgré sa surprise.

La jeune maîtresse des esprits parait peinée. Ise l'observe. Elle est maigre, parait si fragile, si vulnérable, si douce aussi. Sa tenue plus qu’ordinaire contraste avec la fierté et l’honneur qui transparaît de son attitude. Un esprit de feu la côtoie, veille à son bien être, à sa survie.
L’étrangère sort un ballot de son sac, occupe ses mains pour dissimuler sa gêne, son chagrin peut-être ?

- Mère, réplique-t-elle en prenant soin d’éviter le regard de la magicienne déchue.

Ise hésite à répondre, bousculée dans ce qui lui reste de certitudes. Elle serre sur ses épaules un maigre châle, elle a froid, elle tremble. Elle a peur, honte aussi. Mais qui est cette soi disant fille ?

- Prenez ceci mère, c’est à vous. Toute notre famille s’est cotisée pour vous permettre de retrouver votre rang. C’est certes peu, mais c’est tout ce que nous avons.

La sorcière saisit le paquet, incapable de réaction, ne murmurant aucun merci. L’esprit encore embrumé, encore salie par la possession démoniaque, elle ouvre la sac. Ses yeux s’arrondissent, son regard s’embrume, un hoquet de joie mêlé de pleurs la secoue. Son armure ! Est-ce vraiment la sienne ? Le bleu a disparu, recouvert d’un blanc immaculé qui semble si peu convenir à son statut de bannie. Ses bijoux sont la aussi, et au fond du sac une petite fortune en kinnas, sans doute les économies d’une vie humaine, voire de plusieurs.

Ise tremble. Elle relève les yeux, cherche sa bienfaitrice mais celle-ci a disparu. Comment la remercier ? Et qui est-elle en réalité ? Pourtant, elle n’a pas souvenir de ce bébé, de cette fille perdue et retrouvée. Mais a-t-elle encore des souvenirs ?

La sorcière se change, n’a cure des regards amusés ou pervers. Elle sent la fierté revenir. Sa robe luit au soleil de Sanctum, défi à la bête qui l’a possédée, pied de nez à ceux qui l’ont destituée. Elle ouvre son livre de sorts, ose enfin retrouver l’éther et un semblant de dignité. Elle se sent forte... puis retombe, terrorisée, anéantie.

Oui. Oui elle peut porter les armes. Oui elle peut lancer des sorts. Oui elle possède de nouveau la puissance que procure l’éther. Mais elle ne sait plus. Elle ne comprend plus. Son grimoire est rempli de signes qu’elle ne peut plus lire.

Ise redresse cependant la tête. Il ne faut rien montrer, au contraire. Il faut essayer de cacher. Diminuée, handicapée, elle se met en quête de ses anciens capitaines, de ses vieux amis, de ceux de la légion qui ne l’ont pas exclue, rejetée. Il faut donner le change, paraître plus forte encore qu’elle ne l’était. Pour faire honneur à ceux qui l’ont soutenue, qui lui ont redonné vie, et pour cette famille dont elle ne sait rien, pour cette fille qu’elle ignorait avoir.

La Daeva engloutit biscuit sur biscuit. Elle mange trop, incapable de se restreindre, par habitude mais par besoin aussi. Le soleil de Sanctum la rassure. Elle avait besoin de lumière après cette cérémonie à Paradisia.

Elle évite d’y réfléchir, elle compte sur sa mémoire défaillante pour atténuer le choc, mais les images, les paroles reviennent. Pourtant les Dieux savent à quel point le duché d’Heiron compte pour elle, combien elle aime cette contrée et les courageux combattants qui la défendent. Rien que d’y penser la panique revient. Elle regarde autour d’elle, lance son bouclier, cherche les ombres. Pourquoi l’Impératrice l’a-t-elle contrainte à accepter de nouveau cette charge ?

Ise sursaute. Elle fixe cette robe rose qui s’éloigne d’elle en hante. La couleur la surprend, mais la silhouette est familière : sa soi-disant fille ? Trop tard, elle l’a perdue de vue. Mais qui est-elle vraiment ?

Une main amicale se pose sur son épaule, un présence rassurante, qu’elle décrirait comme fraternelle si le mot n’était pas si faible. Selene, la seule qui ait compris à quel point on lui a fait violence en lui confiant Heiron.

- Câlin ?

La magicienne sourit enfin. Elle se réfugie dans les bras de la Rôdeuse. Ses yeux scrutent toujours les ombres, devant elle et sur les cotés, mais elle ne regarde plus derrière. Elle sait que Selene y veille. Et encore une question sans réponse : d’où viennent cette confiance aveugle, ces rêves étranges d’arc vivant et de bâton de feu, cette osmose avec la rôdeuse sauvageonne ? Et qui en réalité veille sur l’autre ?

La sorcière reprend un biscuit. Elle cesse de trembler, de redouter le retour des ombres qui ont volé son corps et violé son âme. Les souvenirs s’estompent, la terreur s’éloigne. Elle plonge de nouveau dans le refuge de l’oubli.

Le soleil brille haut sur Sanctum. Seule son armure immaculée attire l’œil des passants sur la fragile sorcière. Les questions, les doutes, la peur la détruisent peu à peu. Mais qui le voit ?