Il fut un temps où je ne fus rien... Une humaine sans mémoire, sans passé. Des bribes de mon passé m'ont été révélées mais ce ne sont que des bribes, des ombres d'un passé révolu, qui ne m'appartient plus. Je n'ai que les souvenirs que je me suis forgée, les amis et les ennemis rencontrés depuis ce réveil.
Prêtresse je fus avant de venir Aède et mon choix fût un des premiers dilemmes de mon existence consciente. Choisir entre la voie du clerc et celle de l'aède me plongea dans un grand désarroi. Je voulais soigner, protéger mes frères et sœurs d'armes mais l'appel du combat lui même était obsédant. Le bruit des armes heurtant les armures, les cris d'effort, de joie ou de douleurs, l'odeur de la sueur ou du sang... J'étais troublée par mon envie de combattre, mon envie de violence, de générer la douleur et l'effroi chez mes ennemis. Il était aux antipodes de mon envie de soigner, presque insupportable d'ambiguïté.
Je finis par choisir la voie de l'Aède car elle seule permettait cette multiplicité, cette ambiguïté portée à son paroxysme, cette capacité à apporter à mes frères et soeurs proches les chants et mantras de soutien, à soutenir également les clercs dans leur mission de soigner et de contribuer activement au combat.
Je me suis appropriée cette multiplicité et j'essaie de l'exploiter au maximum et de m'adapter à chaque situation, à chaque combat. Il m'arrive encore de me fustiger de ne pas avoir su m'extirper d'un combat pour sauver un frère d'arme.
Tel est le dilemme permanent de l'aède, tel est mon dilemme pour avoir voulu soigner et combattre à la fois.