Aelys

Le soleil se lève… la brise fraîche berce notre réveil, les oiseaux chantent ce jour avec plus de gaieté encore. Sautant du lit, je me précipite vers la source chaude, la nuque en arrière sentant l’eau couler sur moi… « Que cette journée sera chouette » !

C’est un jour spécial. Propre, sèche et fière dans mon habit en étoffe si délicate, je cours vers la cuisine prenant au passage quelques pains encore chauds que j’engloutis avec voracité !

- Arieluma Demoiselle Aelya !
- Demoiselle Aelys, ne courrez pas comme ça ! Demoiselle ! Revenez ! Nous avons fort à faire en ce jour ! Par les sous-fifres de Dame Ariel, elle va me faire perdre la tête…
- Je rentre vite Demoiselle Aelya ! Promis !
- C’est vrai qu’en ce jour…

Demoiselle Aelya ! Elle me gronde souvent mais m’apprend tant de choses sur ce monde. Ma tutrice, ma conseillère, un jour elle m’a même dit que personne ne pourrai lancer arme contre moi tant qu’elle serait là. Je n’avais rien compris, mais elle me faisait peur parfois, ces paroles si lourdes.

Ce jour unique. Ce jour où, chaque année, nous fêtons une union. Une union improbable pourtant.
Moi, Princesse Aelys, 10 ans, j’ai le cœur joyeux d’y participer, de revoir enfin mon ami, né le même jour que moi, dans un pays lointain, dans un pays si lointain... Demoiselle Aelya m’a dit qu’un jour je serai uni avec ce Prince, tant qu’il ne triche pas à la course, je veux bien ! Il est parfois étrange mais je m’amuse bien avec lui !

Voilà, nous somme tous debout sur la place de notre ville, tous les gens se sont réunis, la musique résonne dans nos tête, les villageois ont apporté leurs cadeaux, tous semblent si impatients…

Un éclair, un vent irréel, le ciel se déchire dans une lumière que seule Dame Ariel peut animer, soudain le tourbillon prend forme et apparaît enfin comme chaque année en ce jour merveilleux ce que les grands appellent « Le Passage ».

Sautant sur place, ne cachant mon impatience mêlée de peur face à cet étrange phénomène, je les vois sortir, d’abord les gardes, ensuite Sire Thor et Dame Valhalla, enfin, il arrive, ahhh, que je suis heureuse de revoir mon ami asmodien ! Même si ce n’est que pour une seule journée ! Demoiselle Aelya m'adresse un clin d'oeil complice. Il est parfois étrange, sa peau est plus sombre que la mienne, ses petites ailes sont d’un noir si profond, mais il m’apporte toujours la « neige », cette poudre froide qui se transforme en eau, c’est si beau et mystérieux ! Enfin les villageois étrangers sortent à leur tour les bras chargés de nourriture étrange mais si délicieuse.

La fête bat son plein tandis que je m’amuse et rit avec mon futur prince. Le soleil décline doucement, les étoiles s’allument une par une, la nuit tombe donnant à ce tourbillon une lueur magique. Soudain… le tourbillon crépite, s’enflamme, se tord, des bruits terrifiants en sortent, un éclair puis des flammes, les colonnes prennent feu… La panique, tout le monde s’arrête trop intrigués par ce changement jamais vu auparavant. De leur table, mes parents, Sire Thor et Dame Valhalla se lèvent, inquiets, le regard dur.

Une explosion, des êtres difformes et monstrueux sortent du tourbillon, grognant avec force une langue que Demoiselle Aelya ne m’a jamais enseignée, levant des armes étranges et balayant les Gardiens du Tourbillon comme de simples brindilles sèches. Les mages psalmodièrent des incantations pour repousser ces bêtes cruelles, tandis que le Grand Prêtre se transforma en oiseau translucide afin d’alerter « le Sanctum »

Nos gardes s’avancent et de leurs artefacts tentent de lutter avec nos amis d’Asmodae pour repousser cette attaque, l’attaque des Balaurs me dira Père Arkhan.

A forces égales, sous le bruit terrible des armes s’entrechoquant, le Prince à mes côtes, il me prend la main et tente de m’entrainer hors de ce chaos. Le sang coule, les cris se font de plus en plus atroces, le tourbillon se tord encore un peu plus, une forteresse volante apparaît et une horde de Balaurs et de guerriers aux ailes noires… Ils n’étaient pourtant pas nos amis ?

Courant se réfugier vers les sources, une troupe de monstres se battant contre nos armées unies lance grognement et cris, les éclairs tombent partout, je tire mon ami vers la grotte de la source, mon endroit secret, je tire sa main encore plus, mais il ne vient pas. Je me retourne, je panique devant ses yeux sombres, ouverts, glacés… sans vie… son dos couvert de flèches…

Je pleure, j’ai peur, ces cris, ces hurlements bestiaux, ces lueurs irréelles, je cours vers ma cachette, mes petites ailes étant paralysées devant ce spectacle de désolation, j’entends Demoiselle Aelya m’appeler, elle vole au dessus de moi, fond sur moi, ses ailes m’enveloppent, l’onde d’une puissante explosion magique nous plaque au sol, mon esprit sombre, mes yeux se ferment, le silence m’envahit...

J’ouvre péniblement les yeux, tout est si calme… Mes habits sont poisseux. Les ailes de Demoiselle Aelya sont tout autour de moi. Je ne sens plus son souffle. Je ne sens plus sa douce chaleur. Son sang me recouvre. Son visage figé me regarde. Pourtant une larme n’a pas séché, brillante dans cette atmosphère sombre. J’embrasse son visage. Je la serre dans mes bras. Mes larmes se mélangent à son sang. Je sombre…


Le soleil se lève sur Poeta… la brise fraîche berce notre réveil, les oiseaux chantent ce jour avec plus de gaieté encore.

Je suis Demoiselle Aelys, Princesse d’une union dévastée, d’un pays en ruine. Le Sanctum avait proposé une alliance depuis la séparation de notre monde d’avec les Asmodiens. Frères jadis, une division secrète du Sanctum et d’Asmodia voulurent renouer nos liens antiques, et chaque année nous célébrions dans la paix l’ouverture de la brèche avec nos lointains voisins. Des dissidents d’Asmodia ne souhaitaient pas cette unification. Ils lancèrent avec l’aide du peuple des Abysses un assaut sans précédent sur mon pays. Aussi forte soit la Garde Avancée du Sanctum, les renforts ne sont arrivés que trop tard, ne trouvant que ruines, morts, désolation, flammes, sang et ailes brisées à leur arrivée. Un vieux Prêtre, Père Arkhan se chargea de m’enseigner son savoir, sans jamais me poser quelques questions que ce soit sur mon enfance. Tous s’étaient battus, mon peuple aux cotés de nos amis Asmodiens, tous avaient périt sous la violence des Ailes Noires et de leurs sbires Balauriens.

Je suis orpheline d’un pays maintenant interdit par le Sanctum. Je ne dois la vie qu’à Demoiselle Aelya. Je suis devenue Aède en son honneur. Son amour si intense est toujours en moi. Sa dernière larme est toujours en moi. Pardonnez-moi Demoiselle Aelya. Je n’ai pu vous protéger. Je n’ai pu protéger ceux que j’aime. Je n’ai pu protéger les miens. Ceux de mon peuple. Ceux de notre Union.

Je suis Aelys. J’ai prêté serment devant Dame Ariel. Mes ailes sont emplies des plumes d’Aelya. Plus jamais je ne laisserai l’être de mon cœur s’éteindre devant moi. Plus jamais je ne laisserai périr l’âme qui m’est chère. Mon bâton sera défense et mes ailes réconfort. Ma vie est sienne.

Le passé...